« La force
créatrice arrose le terrain de notre psyché. Elle cherche les
canaux naturels qui existent en nous. Nous devenons ses bassins, ses
mares, ses étangs, ses ruisseaux, ses sanctuaires. Elle investit
tous les lits que nous lui réservons, ceux avec lesquels nous sommes
nés comme ceux que nous avons creusés de nos propres mains. Nous
n'avons pas à remplir, nous n'avons qu'à réaliser.
On trouve dans la
tradition archétypale cette idée que si l'on prépare dans le
psychisme un endroit pour que l'être, que la force créatrice, la
source de l'âme vienne l'habiter, celle-ci sera au courant et se
fraiera un chemin vers lui […]
Une fois que la grande
rivière souterraine a trouvé ses estuaires et ses parcours dans
notre psyché, notre vie créatrice se remplit et se vide, son niveau
monte et descend au fil des saisons, exactement comme une rivière
sauvage. Ces cycles font que les choses se créent, sont alimentées,
retombent et meurent chacune en son temps et à l'infini.
Créer quelque chose en
un certain endroit de la rivière nourrit ceux qui viennent à cette
rivière, les créatures vivantes en aval et celles qui vivent sous
l'eau. La créativité n'est pas un mouvement solitaire. C'est là
son pouvoir. Tout ce qu'elle touche, tous ceux qui l'entendent, la
voient, la sentent, la connaissent, elle les nourrit.
C'est pourquoi la
créativité des autres nous inspire pour notre propre travail de
création. Un seul acte de création peut alimenter un continent,
faire surgir un torrent de la pierre.
Ainsi la capacité de
création de la femme est-elle son bien le plus précieux, car elle
est don à l'extérieur et nourriture à l'intérieur, sur tous les
plans – psychique, spirituel, mental, émotionnel, économique. La
nature sauvage déverse d'infinies possibilités, donne force et
vigueur, étanche la soif et apaise notre faim de vie profonde et
sauvage. Dans l'idéal, cette rivière ne comporte pas de barrage,
elle n'a pas été déviée et surtout n'est pas utilisée à mauvais
escient.
La rivière de la femme
sauvage nous fertilise et fait de nous des créatures qui lui
ressemblent : des donneuses de vie. Tandis que nous créons, cet
être sauvage et mystérieux nous créé en retour, nous remplissant
d'amour. Nous avons tant de vie en nous que nous pouvons en donner :
nous éclatons de sève, fleurissons, nous divisons, nous
multiplions, incubons, imprégnons. »
Femmes qui courent avec les loups, de Clarissa Pinkola Estes
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire