vendredi 31 octobre 2014

Vision

« La force créatrice arrose le terrain de notre psyché. Elle cherche les canaux naturels qui existent en nous. Nous devenons ses bassins, ses mares, ses étangs, ses ruisseaux, ses sanctuaires. Elle investit tous les lits que nous lui réservons, ceux avec lesquels nous sommes nés comme ceux que nous avons creusés de nos propres mains. Nous n'avons pas à remplir, nous n'avons qu'à réaliser.
On trouve dans la tradition archétypale cette idée que si l'on prépare dans le psychisme un endroit pour que l'être, que la force créatrice, la source de l'âme vienne l'habiter, celle-ci sera au courant et se fraiera un chemin vers lui […]
Une fois que la grande rivière souterraine a trouvé ses estuaires et ses parcours dans notre psyché, notre vie créatrice se remplit et se vide, son niveau monte et descend au fil des saisons, exactement comme une rivière sauvage. Ces cycles font que les choses se créent, sont alimentées, retombent et meurent chacune en son temps et à l'infini.
Créer quelque chose en un certain endroit de la rivière nourrit ceux qui viennent à cette rivière, les créatures vivantes en aval et celles qui vivent sous l'eau. La créativité n'est pas un mouvement solitaire. C'est là son pouvoir. Tout ce qu'elle touche, tous ceux qui l'entendent, la voient, la sentent, la connaissent, elle les nourrit.
C'est pourquoi la créativité des autres nous inspire pour notre propre travail de création. Un seul acte de création peut alimenter un continent, faire surgir un torrent de la pierre.
Ainsi la capacité de création de la femme est-elle son bien le plus précieux, car elle est don à l'extérieur et nourriture à l'intérieur, sur tous les plans – psychique, spirituel, mental, émotionnel, économique. La nature sauvage déverse d'infinies possibilités, donne force et vigueur, étanche la soif et apaise notre faim de vie profonde et sauvage. Dans l'idéal, cette rivière ne comporte pas de barrage, elle n'a pas été déviée et surtout n'est pas utilisée à mauvais escient.

La rivière de la femme sauvage nous fertilise et fait de nous des créatures qui lui ressemblent : des donneuses de vie. Tandis que nous créons, cet être sauvage et mystérieux nous créé en retour, nous remplissant d'amour. Nous avons tant de vie en nous que nous pouvons en donner : nous éclatons de sève, fleurissons, nous divisons, nous multiplions, incubons, imprégnons. »

Femmes qui courent avec les loups, de Clarissa Pinkola Estes

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